Temps des crises, le texte fondateur

A propos de Temps des crises de Michel Serres, de l’Académie française.

Entretien avec Jacques Paugam,
CanalAcadémie 2009

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Dans cet entretien avec Jacques Paugam, il développe les points essentiels de son livre Temps des crises dont l’intuition fondamentale est la nécessaire primauté des sciences de la vie et de la terre dans les institutions de demain. Une analyse fine et originale des évolutions de notre siècle et un message plein d’espoir sur le monde futur.

Une quadruple révolution 


Le très long sous-titre de Temps des crises donne le ton : « Mais que révèle le séisme financier et boursier qui nous secoue aujourd’hui ? Si nous vivons une crise, aucun retour en arrière n’est possible. Il faut donc inventer du nouveau ». Dans ce livre, Michel Serres, entend relativiser l’importance de la crise économique et financière qui sévit depuis 2007. Notamment vis-à-vis d’autres bouleversements majeurs, intervenus depuis la fin de la seconde guerre mondiale et importants au point d’avoir été passés sous silence. Mais il est bien connu que les nouveautés arrivent « comme un voleur dans la nuit » (Saint Paul) ou sur des « pattes de colombe » (Nietzsche) rappelle Michel Serres.

Parmi ces changements décisifs, l’écrivain cite :

- L’effondrement quasi vertical du nombre d’agriculteurs et des professions associées, qui ne concernent plus aujourd’hui que 1.7% de la population contre 60-75% aux alentours 1900. C’est en ce sens que la fin du XXe siècle a sonné « la fin du néolithique » selon Michel Serres, la domestication d’espèces de la faune et de la flore par les hommes ayant commencé au cours de cette période préhistorique.


La mobilité des personnes et des choses. Dans les années 2006-2007, la moyenne de distance d’origine des marchandises présentes dans un grand magasin américain était déjà de 8 à 10 000 km. De même, en 2008, les compagnies aériennes ont transporté un tiers de l’humanité. 

- Les progrès de la santé et la révolution des pratiques médicales. Depuis les années 50 à 70, avec l’arrivée des antibiotiques et des sulfamides, les maladies infectieuses sont sinon éradiquées, du moins efficacement soignées. Ce qui forme un contraste considérable avec la période pré-seconde guerre mondiale, au cours de laquelle, sur dix patients, un médecin recevait au moins trois syphilitiques et quatre tuberculeux, comme le rappelle M. Serres. Le progrès est d’autant plus évident en ce qui concerne la douleur dont on n’imagine pas à quel point elle pouvait être une expérience inévitable et quotidienne, par le passé. (...)
Par conséquent, le philosophe explique que la solution à la crise économique ne doit pas simplement consister à restaurer la situation antérieure, mais doit déboucher sur un changement de paradigme.

La philosophie classique, en particulier les Stoïciens, faisait la distinction entre ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas.
Aujourd’hui, constate l’académicien, le périmètre de ce qui dépend de nous s’est considérablement élargi, englobant la totalité de la biosphère. Or, nous dépendons de celle-ci, dépendant ainsi de ce qui dépend de nous. Cette nouvelle relation de dépendance circulaire joue un rôle central dans l’élaboration du nouveau contrat social qui doit être pensé pour l’avenir. Dans la dernière partie de l’entretien, Michel Serres donne quelques pistes pour sa réalisation.

On peut ajouter une autre facette à cette lecture

« je ne vois pas de lieu de notre habitat qui ne soit pas dans une crise aussi considérable
que celle de la finance, de l’économie… la guerre que les hommes font au Monde ».

Dans ce monde l’age de l’écologie comme discipline « transversale » est arrivé, elle est à même de coordonner une nouvelle interdisciplinarité : car l’écologie comme les sciences des ressources naturelles est « ce savoir d’une inextricable difficulté parce qu’il réunit à la fois l’ensemble des vivants, nous compris, connaissant et connus, à l’ensemble des conditions inertes de leur vie commune et à l’ensemble des savoirs qui s’occupent d’eux, de la mathématique la plus abstraite aux observations les plus menues. L’écologie ne découpe rien, elle associe, allie, fédère … les sciences humaines aussi ».

Article publié ou modifié le

15 juin 2012