Transition 2 - Vous avez dit « anthropocène » ?

1. Introduction - Vous avez dit « anthropocène » ?

L’homme, espèce sociale et culturelle inédite, est capable de développer des technologies puissantes afin de transformer l’environnement, créant ainsi des conditions de travail et des modes de vie en constante évolution.
Depuis la révolution industrielle, les activités humaines sont devenues le moteur prédominant des changements biosphériques. Elles constituent une sorte de force géophysique qui, pour certains, est définit par équivalence géologique comme l’époque appelée « anthropocène » et sa phase actuelle, la Grande Accélération (Steffen et al, 2011 ; Ellis et al, 2011).
Pour d’autres - et par dérision -, la présence massive de déchets humains marque l’âge du «  poubellien supérieur  ». Des seuils considérés comme critiques ont été atteints, ou sont en passe de l’être, dans l’exploitation des ressources naturelles, mais également concernant le climat, les cycles de l’azote et du phosphore, la perte de biodiversité, le remaniement des paysages, l’acidification des océans et l’utilisation de l’eau douce (Rockström et al, 2009).

Paradoxalement, la ressource humaine, en forte croissance, subit à son tour les effets des forçages mentionnés. Avec les travaux du Club de Rome et les observations satellitaires des années 1970, une prise de conscience du caractère fini des ressources planétaires a vu le jour, appelant à un changement de culture sociétale : « limiter, gérer, compenser  », « reduce, reuse, recycle (les 3R) ». Cela nécessite une analyse systémique de nos modes de production, de consommation et de distribution des richesses, du sens même que nous donnons au développement économique et social, mais surtout un questionnement profond des rapports homme-nature. Cela représente donc une vaste entreprise, puisqu’il s’agit de s’attaquer aux contradictions sociales et écologiques de notre société afin :

  1. d’intégrer les activités humaines dans les limites fonctionnelles de la biosphère ;
  2. d’assurer une qualité de vie humaine durable, équitable et socialement juste.

Les ingrédients, obstacles et enjeux qui contrarient ou favorisent ce changement profond, sont brièvement rapportés ci-après.

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1.1 Concurrence débridée, compétitivité, productivisme – le carburant idéologique de la « Grande Accélération »

Le système capitaliste et son ordre social esquissé ci-dessus, est défini comme un régime économique ou un statut juridique « d’une société humaine caractérisée par la propriété privée des moyens de production et leur mise en œuvre par des travailleurs qui n’en sont pas propriétaires » (Larousse 2013).
Dans ce cadre, la part des systèmes de crédit, l’évolution de la notion de profit, la globalisation et la généralisation du low cost, les dérégulations institutionnelles à grande échelle, ainsi que l’accélération des cycles d’innovations dans tous les domaines en contexte de croissance démographique, révèlent le rôle moteur que jouent dans la crise globale des facteurs comme la concurrence, la compétitivité, le productivisme et la surproduction, et ce que l’on appelle les avantages comparatifs (Schumpetter, 1939 ; Gadrey, 2013).

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Or, on est loin d’une concurrence parfaite qui intègre les coûts socio-environnementaux des activités économiques, ou d’une compétitivité définie comme « la capacité d’une nation à améliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et à leur procurer un haut niveau d’emploi et de cohésion sociale  » (Coutrot et al, 2012). Les conséquences directes sont connues : inégalités et pauvreté, aliénation par le travail, ainsi que chômage structurel.
On peut reprendre l’analyse autrement. La financiarisation de l’économie et sa concentration posent plusieurs problèmes de fond : confusion entre création de valeur et richesse, système de rente et compétition spéculative généralisés, hausse sans précédent de la productivité, elle-même source de surexploitation du travail, mais aussi des ressources naturelles (Gomez, 2013).
Pour tenter de sortir de ces difficultés, on peut observer comment la théorie économique fait appel aux processus de « concurrence » et de coopération à l’œuvre dans les écosystèmes (Tisdel, 2013). On retiendra que la compétition entre espèces et à l’intérieur de l’espèce opère pour les ressources essentielles et limitantes.
Dans les systèmes biologiques, différents organismes entretiennent également des relations à bénéfice réciproque (les symbioses, par exemple) qui ont souvent évolué à partir de relations concurrentielles (parasitisme) et se sont révélées plus efficaces dans l’accès partagé aux ressources.
L’asymétrie entre l’étude des relations de concurrence et de coopération en économie a peut-être conduit à des théories minimisant le rôle des mécanismes basés sur des associations à bénéfice réciproque. Il reste à analyser et à modéliser des stratégies et des solutions faisant appel à plus de solidarité et de coopération à tous les niveaux, en particulier au sujet de la gestion collective des ressources, en tant que biens communs.

Deuxième extrait de l’étude réalisée par les étudiants en première année de Master BioSciences à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Lyon.

Pour une démocratie socio-environnementale : cadre pour une plate-forme participative « transition écologique ».

Les auteurs : Clappe et al, 2014
In : Penser une démocratie alimentaire / Thinking a food democracy, vol2, Collart Dutilleul F, Bréger T (Eds.), Inida SA, San José,pp 87-112

crédit images : Jason deCaires Taylor’s sculpture, called Anthropocene.

Article publié ou modifié le

15 septembre 2014