Transition 6 - Les incontournables Big Data

2.4 Les incontournables Big Data

Les big data correspondent aux jeux de données colossaux générés ces dernières années et dont la quantité croît de façon exponentielle. Ils sont issus de notre usage d’Internet (par exemple, l’ensemble des contenus engendrés sur les réseaux sociaux et qui sont donc des données personnelles), par les services publics (par exemple, l’ensemble des données cartographiques d’un pays) ou encore par la communauté scientifique (notamment les données issues des techniques de séquençage de nouvelle génération). Il s’écoule autant d’informations en une heure aujourd’hui que durant toute l’année 2000. Et cela a un coût : Internet est en passe de franchir la barre symbolique des 10 % de demande mondiale en énergie (de Ravignan, 2013) et le stockage de ces données nécessite leur concentration dans des data centres inégalement répartis dans le monde. En même temps, on atteint actuellement des limites méthodologiques dans les capacités à explorer, exploiter et visualiser ces quantités d’informations.

Néanmoins, le système de big data possède une capacité de transformation de nos sociétés hors du commun (Belliard, 2013) au niveau de l’économie et la productivité économique, de la gestion politique ou des innovations socio-environnementales. Par exemple, il est à l’origine d’outils permettant aux décideurs d’améliorer les flux matériels et monétaires en temps réel afin de mieux gérer et d’adapter les décisions aux territoires et aux habitants. Dans le cadre des projets Rifkin, le « cyberespace » favorise le développement d’immenses réseaux et génère de nombreux flux d’informations. Ces derniers permettent l’optimisation de la productivité des entreprises, de l’observation des comportements (des consommateurs comme des salariés), et de l’amélioration de notre impact environnemental en gérant autrement notre consommation d’énergie (le Master Plan dans la région Nord-Pas de Calais).

Pour les plus idéalistes, ces flux iront jusqu’à permettre l’évolution vers une « civilisation empathique » et la libération vis-à-vis du monopole des entreprises dominantes (c’est le cas pour les imprimantes 3D, par exemple ; Rifkin, 2013 ; La troisième révolution industrielle en région Nord-Pas de Calais)

Cependant, le revers de la médaille du système des big data révèle plusieurs problèmes qui sont loin d’être résolus : la propriété, l’appropriation et l’usage des données (Guillaud, 2013), la complexité de la réglementation et son évolution, ainsi que les impacts environnementaux. Dans le monde scientifique, les big data représentent par exemple une « jungle à défricher » (Demarthon, 2012).

2.5 La gouvernance – redondances, lenteurs et casse-têtes institutionnels

Le passage à un autre modèle de société ne peut se faire sans des institutions porteuses de valeurs politiques, sociales et culturelles qui structurent les relations au sein des sociétés et qui définissent un but, un cadre, des stratégies et des outils pour leur réalisation.
Les défis sont universels (l’accès équitable aux ressources, notamment énergétiques, la pauvreté, etc ; Ravillon, 2007 ; Shah, 2013), mais les instruments pour réaliser les changements peuvent être très différents. La «  gouvernance de la transition » est également censée réunir des organisations expertes et des citoyens dans des configurations adaptées aux questions en débats et aux actions à mettre en place. Sur la base de la diversité des situations sociétales à laquelle nous serons confrontés, une co-occurence de processus de transition – transformation – conversion est envisageable.
L’inventaire non exhaustif des programmes, initiatives et activités en cours ci-après permettrait de les apprécier dans leur diversité.

En ce qui concerne la gouvernance mondiale, les Nations Unies agissent pour une convergence des niveaux de développement de tous les pays.
Le sommet de la Terre à Rio en Juin 2012 a énoncé un grand nombre d’engagements, tels que la mise en place d’une gouvernance internationale de l’environnement (Article 88) renforçant le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) en terme d’autorité mondiale, mais aussi l’établissement d’une gouvernance mondiale du développement durable (Article 84) et l’instauration d’un financement du développement durable par une Stratégie de Financement facilitant la mobilisation des ressources et leur bon usage (article 255).

En parallèle, les huit Objectifs du Millénaire pour le Développement ont été adoptés en 2000 avec pour ambition d’être atteints en 2015. Ces objectifs visent à :

  1. réduire l’extrême pauvreté et la faim,
  2. assurer l’éducation primaire pour tous,
  3. promouvoir l’égalité et l’autonomisation des femmes,
  4. réduire la mortalité infantile,
  5. améliorer la santé maternelle,
  6. combattre les maladies,
  7. assurer un environnement humain durable, et
  8. mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

Le rapport 2012 souligne les principales difficultés dans la réalisation de ces objectifs, dont les plus préoccupants restent la faim et la pauvreté dans le monde.

La Conférence environnementale (Feuille de Route, 2012) qui s’est déroulée en France en Septembre 2013 est un exemple intéressant. Elle a réuni un grand nombre d’acteurs : représentants d’ONG environnementales, associations, organisations syndicales, employeurs, collectivités, ainsi que des parlementaires. Elle a produit une feuille de route pour la transition écologique qui fixe le programme de travail du Gouvernement.
Dans un but de coordination, une Agence nationale de la biodiversité et un Conseil national de la transition ont été créés. Le problème majeur des propositions qui ont été annoncées est la mise en application et la coopération de toutes les parties. De plus, les calendriers de mise en place des mesures liées à l’environnement s’étalent parfois sur plusieurs décennies et ne reflètent pas l’urgence de la situation.

Au niveau local, les plans climat-énergie territoriaux (PCET) et les Agendas 21 de 1992 décrivent les secteurs où le développement durable est applicable dans le cadre des collectivités territoriales.
L’Agenda 21 formule ainsi des recommandations au sujet de la pauvreté, la santé, la pollution, le logement, la gestion des mers, des forêts et des montagnes, la gestion de l’agriculture, des déchets, etc. Parallèlement à ce plan d’action, une déclaration sur l’environnement et le développement énumère vingt-sept principes à suivre pour mettre en œuvre l’Agenda 21.
Cette démocratie de construction dans la prise de décisions implique tous les types d’acteurs locaux dans une démarche de diagnostic et de délibération collective.
En recoupant l’ensemble de ces informations, il apparaît que les concertations internationales sur les objectifs/approches au niveau national restent fortement problématiques.
De même, les initiatives permettant d’envisager une répartition équitable des ressources mondiales représentent sans doute la difficulté majeure dans la concrétisation des Objectifs du Millénaire.

On peut donc légitimement s’interroger sur la volonté et la capacité réelles des institutions à gérer les crises actuelles et à préparer la transition.

Extrait de « Pour une démocratie socio-environnementale : cadre pour une plate-forme participative « transition écologique »
Les auteurs : Clappe et al, 2014
In : Penser une démocratie alimentaire / Thinking a food democracy, vol2, Collart Dutilleul F, Bréger T (Eds.), Inida SA, San José,pp 87-112

Article publié ou modifié le

15 septembre 2014