Démographie et hyper-urbanisation
La terre abritera 8 milliards à la fin de 2022 ; 9 milliards ou plus sont anticipés pour 2050 (Meadows et al 2004, Agenda 21 2009, Turner 2008, Engelman 2016). L’hyper-urbanisation du monde semble une trajectoire politiquement inéluctable et souhaitable, même si elle se révèle aujourd’hui essentiellement un processus de « bidonvillisation » (Seitzinger et al 2012). Depuis 50 ans l’expansion urbaine s’accentue, avec des taux supérieurs à ceux de la croissance démographique, indiquant une croissance urbaine extensive (Sato et al 2011). Dans les pays en développement, cette croissance se fait principalement au détriment des terres agricoles.
Dans l’ensemble et à l’horizon 2030, deux tiers de la population mondiale sera urbaine et la planète comptera 41 mégacités, dont 80 % seront dans les pays à revenu faible et moyen (Jowell et al 2017). Dans la mesure où les transitions rurales-urbaines se feront le plus souvent de manière chaotique, on peut anticiper des problèmes préoccupants non seulement au niveau sanitaire, alimentaire ou des infrastructures, mais également du point de vu économique.
L’expérience urbaine et la mondialisation se construisent sur une suprématie des flux, ceux de la consommation des ressources physiques et ceux des données, informations et connexions (de Ravignan 2015). C’est pourquoi les inégalités géographiques (des besoins énergétiques, par exemple) restent fortes entre les grands pôles urbains et les autres espaces de vie.
L’agriculture industrielle et la Révolution Verte ont facilité cette évolution, mais les projections économiques actuelles indiquent des restrictions et des crises pour les ressources en sols, énergie, eau, poissons, etc (Negrutiu et al 2020). L’autosuffisance alimentaire des villes (Fleury et Vidal 2010) et l’agriculture urbaine ont des vertus pédagogiques utiles de nos jours, mais le vrai défi est celui des politiques agricoles, alimentaires et territoriales cohérentes, coordonnées et intégrées. Il est temps de penser autrement l’aménagement des territoires, inventer une « rurbanité » évolutive et adaptative pour une gestion responsable des ressources et donc des espaces, mais aussi de prendre la question démographique à bras le corps.
Pour la politique et la finance la démographie reste un tabou, en considérant que la question est technologiquement ouverte (Ellis et al 2016). Pourtant, les scénarios issus des rapports pour le Club de Rome et leurs mises à jour indiquent un plafond critique pour plusieurs facteurs vers 2025-30 (Meadows et al 2004, Turner 2008). Ainsi, nous estimons que la perspective de 9 milliards d’habitants dans des sociétés avec un niveau de bien-être à la baisse et dans un monde hyper-urbanisé devient hautement problématique.
Stabiliser la population mondiale et organiser sa décroissance est une tâche difficile (sans parler des facteurs religieux et culturels), compte tenu des effets redistributeurs majeurs qu’elle implique et du fait que les programmes de planning familial sont plus efficaces là où les conditions socio-économiques s’améliorent (Bongaarts 2016, Duval 2015). Mais gérer l’inévitable pour éviter l’ingérable doit passer par une transition solidaire reposant sur la mise en adéquation des besoins vitaux et des ressources accessibles. Bradshow et Brooks (2014), en analysant l’ensemble des facteurs évoqués ici, considèrent que la sobriété- et la justice-ressources sont des leviers moins difficiles et lents à mettre en œuvre que des politiques démographiques. C’est pourquoi, l’horizon 2025, et non la « borne » 2050 adoptée – mais pour quelle raison ? - par la plupart des scénarios et débats, est la bonne échelle de temps pour les agendas politiques et diplomatiques.
Notes
Agenda 21 (2009) Demographic dynamics and sustainability ( Chapter 5, the Rio Conference 1992), Bruxelles, UN documents cooperation circles Editions.
Bongaarts J (2016) Slow down population growth. Nature 530, 409-412.
de Ravignan a (2015) Un français sur cinq en vulnérabilité énergétique.
Bradshaw C and Brook BW (2014) Human population reduction is not a quick fix for environmental problems. PNAS 111, 16610–16615.Alternatives Economiques 343, p 82.
Duval G (2015) Pourquoi c’est compliqué ? Alternatives Economiques 342, 57-59.
Ellis E et al (2016) Involve social scientists in defining the Anthropocene.Nature 540, 192-193.
Engelman R (2016) An end to population growth : why family planning is key to a sustainable future. Solutions 2/3.
https://thesolutionsjournal.com/2016/02/22/an-end-to-population-growth-why-family-planning-is-key-to-a-sustainable-future/
Faburel G. (2020) En finir avec les grandes villes : issue indispensable pour une société écologique ? ⟨halshs-03021115⟩ https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03021115
Fleury A et Vidal R (2010) L’autosuffisance agricole des villes, une vaine utopie ? La vie des idées. En ligne : [http://www.laviedesidees.fr/L-autosuffisance-agricole-des.html]
Jowell A et al (2017) The impact of megacities on health : preparing for a resilient future. The Lancet Planetary Health 1, e176-178.
Meadows D et al (2004) The Limits to Growth : The 30-YearUpdate. Londres, Earthscan Editions.
Negrutiu et al (2020) Flowers in the Anthropocene : a political agenda. Trends in Plant Science 25, 349-368. https://doi.org/10.1016/j.tplants.2019.12.008
Seitzinger SP et al (2012) Planetary stewardship in an urbanizing world : beyond city limits. AMBIO 41/8, 787‒94.
Seto KC et al (2011) A meta-analysis of global urban land expansion. PLoS ONE 6, 1-9 (e23777).
Turner GM (2008) A comparison of The Limits to Growth with 30 years of reality. Global Environmental Change 18/ 3, 397–411.
2 novembre 2022
8 novembre 2022