Pour une philosophie de l’écologie de Juliette Grange

Dans Pour une philosophie de l’écologie (Agora 2012) Juliette Grange nous présente sa démarche pour une écologie politique républicaine.
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L’objectif est de faire des biens communs fondamentaux un Bien public dans le cadre d’une Res publica nationale, européenne, voire mondiale. Juliette Grange dit :

« Ce qui fait la valeur de l’environnement n’est pas seulement ce qu’il contient, mais aussi les possibilités qu’il offre aux humains. Il s’agit de ne pas sanctuariser la Nature, mais de considérer comme Bien premier des éléments garantissant les conditions d’une vie réellement humaine ».
Il est question donc de clarifier la situation de ce qui « n’est plus une ressource inépuisable ou un cadre de vie immuable » en constituant la nature / l’environnement en un objet / sujet politique. En partant de là, la liberté politique doit inclure la libre disposition des biens fondamentaux communs (considérés comme un Bien premier, Bien public) : la définition d’un Bien commun est comprise « non comme un donné naturel, mais comme un idéal politique ».

En cela, référence est faite aux travaux de John Rawls et Amartia Sen : les biens fondamentaux, en tant que Bien public, doivent faire l’objet de législation, de revendication et de réflexion dans un cadre politique.
Sont considérés comme Biens fondamentaux communs à une nation, à un territoire : l’eau, l’air, diverses ressources naturelles / biologiques, les paysages, la sécurité sanitaire, la connaissance. A ces biens il faut reconnaître des formes de propriété sociale.
Juliette Grange précise :

« Le républicanisme s’insurge aujourd’hui contre des nouvelles formes de féodalité économique et technologique et appelle à ne pas se satisfaire de la seule responsabilité individuelle et collective, mais de reconnaître qu’elle est politique. Il tiendra donc compte, par un travail juridique autant que politique, de la capacité qu’a de porter atteinte à ce bien commun une industrie (IN note : ou autres activités humaines) au pouvoir centuplé par la technique … Il ne s’agit pas de protéger la nature ou de lui donner un statut politique, mais de redéfinir des droits, déjà exprimés politiquement, qu’il faut seulement étendre et spécifier.... Si la domination (lobbying, corruption, collusion, délocalisation) et la résistance idéologique concertée du féodalisme économique excluent souvent actuellement cette expression politique, c’est cependant politiquement que la question doit être traitée ».

Il n’y a pas

« de droit de la Nature, pas plus d’ailleurs qu’à la Nature », mais il est question d’une « prise en considération d’un Bien commun dans le cadre politique : réguler politiquement l’économie préfigure un nouveau contrat social qui sera à la fois politique et écologique »

L’écologie et l’environnement font donc directement partie du contrat social, car il existe une nouvelle espèce de « nature » dépendante de l’humanité (crée par l’agriculture, l’industrie) par laquelle l’empreinte écologique et la justice social sont étroitement liés.
Avec l’écologie politique il s’agit de protéger l’humain de lui même en faisant des Biens premiers des propriétés collectives d’un type particulier, afin de garantir les conditions du maintien de la vie future de l’humanité.
Dans ce contexte, l’auteur attend des scientifiques, sur la base de leur expertise et en tant que serviteurs du Bien public, un apport critique civique et précise que

« l’usage politique de l’application de certains aspects de la science ne fait pas partie de la science mais de la politique »

Préserver un monde commun viable et sûr pour les citoyens de demain … reste une affaire de politique générale et non d’expertise.
L’écologie politique républicaine de Juliette Grange veut clairement lier le destin de la nature à celui de l’humanité. Et vice-versa, sans doute.

Article publié ou modifié le

12 septembre 2012