La gouvernance des ressources
La surexploitation des ressources et la forte stratification économique sont structurellement ancrées dans les relations sociales et les mentalités (Ostrom, 2002 ; Butzer, 2012 ; Sverdrup et Ragnasdottir, 2014 ; Bergstrom and Randall, 2016 ; Jarrige and Vrignon, 2020).
Elinor Ostrom, dans son ouvrage Gouvernance des biens communs paru en 1990, identifie les processus mis en œuvre pour gérer les communs à partir des choix collectifs légitimés par des règles négociées donnant lieu à des droits et des devoirs. Ainsi, dans un système poli-centrique de décision, état, marché et communautés tentent d’optimiser et de préserver des ressources convoitées.
Par extension, cela soulève la question des régimes de propriétés et plus largement met en exergue la nécessité de mettre en lumière l’asymétrie entre les dominantes règles du marché (offre et demande) et la nécessaire adéquation entre besoins vitaux en ressources des populations et le maintien de la capacité-support de la vie des milieux naturels dont nos sociétés dépendent.
Une autolimitation sociétale démocratiquement délibérée permettrait un recadrage institutionnel de la manière dont les biens, les services, etc. sont produits, distribués et consommés (Brand et al, 2021).
En France - Le plan de programmation des ressources (2017)
En droit français, il existe la notion de « patrimoine commun de la nation » (article L. 110-1 et L. 210-1 du code de l’environnement) : « les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation , … dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général ».
Le plan de programmation des ressources (Wikipédia, 2017) a été élaboré conformément à l’article 69 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 de transition énergétique pour la croissance verte : « le Gouvernement soumet au Parlement, tous les cinq ans, une stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire, incluant notamment un plan de programmation des ressources nécessaires aux principaux secteurs d’activités économiques qui permet d’identifier les potentiels de prévention de l’utilisation de matières premières, primaires et secondaires, afin d’utiliser plus efficacement les ressources, ainsi que les ressources stratégiques en volume ou en valeur et de dégager les actions nécessaires pour protéger l’économie française. »
Le plan propose une approche innovante par catégories de ressources (biomasse, sols et ressources minérales non-énergétiques), dépassant les approches par secteur d’activité et mettant en avant la nécessité de développer des connaissances sur les flux actuels et futurs de ces ressources, les interactions entre ces ressources et les besoins futurs. Le plan promeut des politiques ressources (sur les renouvelables en particulier) cohérentes et articulées et pointe le besoin urgent d’outils de diagnostic pour passer du constat à la gestion intégrée.
En Nouvelle-Zélande – Ressource Management Act, 1991
L’exemple de la Nouvelle-Zélande reste aujourd’hui un cas d’école dans la gouvernance responsable et équitable des ressources. En partant du constat que le système de marché conventionnel ne permet pas de gérer d’une manière responsable et d’allouer de manière adéquate et efficace une variété de ressources naturelles, le pays s’est doté depuis 1991 d’une constitution (The Resource Management Act ou RMA) qui a établi des règles et procédures spéciales afin de rassembler plus de 50 lois environnementales sectorielles sous un seule et même texte transversal.
Elle a pris en compte la reconnaissance de la valeur intrinsèque des écosystèmes, le maintien et l’amélioration de la qualité de l’environnement, la dépendance de la vie à l’égard des ressources naturelles et la nécessité de les préserver pour la protection du patrimoine historique et des droits coutumiers, mais aussi pour les générations futures, ainsi que les questions d’efficacité et de responsabilité.
Parmi les obstacles auxquels cette initiative transgressive a été confrontée, on peut citer un impact sur la concentration des richesses dans le secteur privé, un monitoring peu précis des paramètres / variables socio-écologiques à différentes échelles spatiales pour aider à définir les critères de durabilité dans la prise de décision, les pressions des forces du marché, et l’utilisation des leviers du système judiciaire ayant permis de contester les décisions prises dans le cadre du RMA (Tanentzap et al., 2015).
Le Natural Resources Defense Council (Conseil de défense des ressources naturelles, NRDC)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Natural_Resources_Defense_Council
est une organisation non gouvernementale américaine fondée en 1970. Il est actif dans le domaine de la protection de l’environnement et regroupe 1,2 million de membres et emploie plus de 300 personnes.
Le NRDC exerce un lobby auprès du Congrès des États-Unis et des responsables politiques afin de promouvoir des politiques publiques respectueuses de la nature et du milieu bâti. Il s’oppose à l’étalement urbain, à la pollution, à la destruction des habitats naturels et fait la promotion de la lutte contre les changements climatiques et en faveur des énergies renouvelables. Côté pollution, son analyse de 2011 The Delay Game : How the Chemical Industry Ducks Regulation of the Most Toxic Substances est un modèle dans le genre. Le NRCD intervient aussi auprès de la Cour fédérale des États-Unis contre des entreprises et des organismes publics afin de faire respecter les lois fédérales américaines sur la qualité de l’air et de l’eau. L’organisme joue également un rôle de sensibilisation du public (notamment à travers des films, comme Terminal Impact en 2006) et participe à la recherche scientifique.
International Resource Panel (IRP), PNUE/UNEP
Le Groupe international d’experts sur les ressources est un groupe d’experts scientifiques indépendant créé en 2007 par l’ONU sous l’égide du PNUE pour aider les pays à utiliser les ressources naturelles de manière durable et soutenable, c’est-à-dire sans compromettre les besoins humains présents et futurs.
La mission spécifique du Panel est de :
– fournir des évaluations scientifiques indépendantes, cohérentes et faisant autorité pour l’élaboration des politiques, l’utilisation durable des ressources naturelles et, en particulier, leurs impacts environnementaux sur l’ensemble du cycle de vie ; et
– contribuer à une meilleure compréhension de la manière de découpler la croissance économique de la dégradation de l’environnement.
Les travaux du Panel depuis 2015 montrent que "les ressources sont les nutriments de l’écosystème social" (Sverdrup et Ragnarsdottir, 2014) et qu’en tant que telles, elles sont une condition préalable aux sociétés durables.
Par exemple, ses rapport entre 2014 et 2019 (http://www.unep.org/resourcepanel ; https://www.resourcepanel.org/ reports/) couvrent des sujets comme
- Managing and Conserving the Natural Resource Base for Sustained Economic and Social Development.
- Policy Coherence of the Sustainable Development Goals. A natural resource perspective.
- Global Material Flows and Resource Productivity. Schandl H, Fischer-Kowalski, West MJ et al.
- Resource Efficiency : Potential and Economic Implications. Ekins, P., Hughes, N., et al.
- Assessing Global Resource Use. A systems approach to resource efficiency and pollution reduction.
- Global Resources Outlook 2019 : Natural Resources for the Future We Want.
Ce dernier est un must pour la compréhension des enjeux actuels.
https:// www.resourcepanel.org/reports/global-resources-outlook
https://www.resourcepanel.org/reports/upcoming-work
Toutefois, ses recommandations en matière de politique des ressources n’ont eu jusqu’à présent aucun effet sur le business as usual.
Notes
Bergstrom JC et Randall A (2016) Resource Economics. Fourth Edition. Chelenham, UK and Northampton, MA, USA : Edward Elgar Publishing. 480 p.
Brand U et al (2021) From planetary to societal boundaries : an argument for collectively defined self-limitation. Sustainability : Science, Practice and Policy 17:1, 265-292.
Butzer KW (2012) Collapse, environment, and society. Proc. Natl. Acad. Sci. 109, 3632-3639
Jarrige F et Vrignon A (2020) Face à la puissance, une histoire des énergies alternatives à l’âge industriel. La Découverte, Paris.
Ostrom E (2002) Managing Resources in the Global Commons. Journal of Business Administration and Policy Analysis 30–31, 401–413.
Sverdrup H et Ragnarsdóttir KV (2014) Natural Resources in a Planetary Perspective. Oelkers EH (ed.). Geochemical Perspectives 3(2), 129–341.
Tanentzap AJ et al (2015) Resolving conflicts between agriculture and the natural environment. PLOs Biol 13(9) : e1002242. Doi : 10.1371/journal.pbio.1002242
6 octobre 2022