Définitions Ressources
Michel Serres (2012) propose sa définition : Les ressources objectives sont là, présentes, dans l’espace et dans le temps. Elles désignentl’ensemble de ce dont nous disposons, ou dans le monde ou en notre possession privée : du compte en banque à l’appartement où nous résidons, des mines de plomb aux lacs de barrage, des quatre éléments à la donnée longue de l’énergie solaire. Individuelles, publiques ou mondiales, voilà, de nos vies ou, mieux, de notre survie, les sources. Le préfixe re les souligne et les renforce. Il continue : Lorsque nous évoquons le terme de ressource, nous évoquons l’utilité et la rareté, mais aussi bien l’utilité et la rareté sont-elles imprévisibles. … Elles varient en effet selon les besoins, les circonstances et le temps.
Notre définition : Les ressources constituent l’ensemble des capacités physiques, humaines, économiques, institutionnelles, normatives, financières, technologiques, numériques, etc. grâce auxquelles l’action et la force (agency) collectives et individuelles opèrent au sein des sociétés (Negrutiu, 2022).
Les ressources naturelles
Dans l’ensemble des ressources, les ressources naturelles (non-renouvelables et renouvelables) tiennent une place particulière. En effet, ces ressources sont la matrice des systèmes de pouvoir économique et politique, avec une grande portée géopolitique. Dans la séquence linéaire de (sur)extraction - production - consommation, elles sont à l’origine de l’essor, du déclin ou de l’effondrement des sociétés. Ainsi, l’exploitation des ressources fossiles a rendu possible les deux révolutions ayant provoqué l’accroissement de la population mondiale et de la consommation par habitant : la révolution industrielle et la Révolution verte (Erisman et al. 2008 ; Krausmann et al. 2009 ; Mote et al, 2020). Dans les deux cas, le résultat a été la sur-exploitation des ressources et une forte stratification économique et sociale. Avec un enjeu majeur, entre soutenabilité et effondrement : faire de la Nature un commun ou un objet privé exclusif (Descola, 2008) ?
Les définitions actuelles sont à l’image de cet enjeu. Elles répondent à une approche étroite et utilitaire (Fernandez et al, 2014).
Par exemple :
– pour l’OMC : seules les ressources qui deviendront des marchandises susceptibles d’être commercialisées sur les marchés sont inclues dans la définition retenue.
– pour la Commission européenne les ressources naturelles dont dépendent les économies incluent les matières premières comme les minéraux, la biomasse et les ressources biologiques ; les milieux comme l’air, l’eau et le sol ; les ressources dynamiques comme le vent, la géothermie, les marées et l’énergie solaire ; et l’espace (surface de la terre).
Et pourtant, dans la plupart des constitutions nationales et en vertu du droit international, l’aspect juridique des ressources naturelles en tant que droit humain accorde aux personnes un accès égal et non discriminatoire aux ressources en propriété commune. La mauvaise répartition des rentes provenant des ressources naturelles et la protection effective des droits de propriété exclusifs sont fondées sur les institutions et l’économie politique. Cela entre en conflit avec le statut suprême des droits de l’homme en droit international et les besoins vitaux des populations (Gylfason, 2018).
Sur cette base et dans l’esprit de notre démarche, le concept légal de ressources naturelles et l’environnement dans lequel elles s’insèrent devrait considérer l’ensemble comme (1) des biens fondamentaux communs à une nation, à un territoire, et (2) faisant directement partie d’un contrat social stipulant le maintien des systèmes supportant la vie sur Terre, condition préalable pour assurer des besoins fondamentaux humains.
Rareté et ressources
Freibauer et al (2011) ont analysé les effets synergiques entre et au sein des "anciennes raretés" (terres fertiles, eau douce, énergie, phosphore) et des "nouvelles raretés" (dégradation de l’environnement / perte de biodiversité, temps de transition). Les déterminants politiques, sociaux, organisationnels, institutionnels et économiques de la rareté soulèvent des inquiétudes quant à la disponibilité, l’accessibilité, la valeur utilitaire et la distribution futures des ressources. Par exemple, des institutions génératrices de pénurie de ressources créent des pénuries rentables et une surexploitation des ressources conduisant à une atteinte à la liberté, à l’inégalité sociale et à la dégradation de l’environnement (voir également De Schutter, 2017).
Notes
De Schutter O (2017) The political economy of food systems reform. European Review of Agricultural Economics 44(4), 705-731. doi:10.1093/erae/jbx009
Descola P (2008) https://booksandideas.net/Who-owns-nature.html.
Erisman JW et al (2008) How a century of ammonia synthesis changed the world. Nature Geoscience 1, 636–639
Freibauer A et al (2011) Sustainable Food Consumption and Production in a Resource-constrained World. 3rd SCAR Forsight Expert Group Report, European Commission Standing Committee on Agricultural Research (Scar). https://ec.europa.eu/research/scar/pdf/scar_3rd-foresight_2011.pdf
Gylfason T (2018) Political economy, Mr. Churchill, and natural resources. Mineral Econom- 24 ics 31, 23-34.
Krausmann F et al (2009) Growth in global materials use, GDP and population during the 20th century. Ecological Economics 68/10, 2696-2705.
Fernandez Fernandez E et al (2014) Définitions des ressources naturelles et implications pour la démarche juridique. In « Penser une démocratie alimentaire /Thinking a food democracy – Propositions Lascaux entre ressources naturelles et besoins alimentaires », eds. F. CollartDutilleul and T. Bréger T. (Inida, San José, Costa Rica), pp. 71-78.
Mote S et al (2020) A Novel Approach to Carrying Capacity : From a priori Prescription to a posteriori Derivation Based on Underlying Mechanisms and Dynamics . Annual Review of Earth and Planetary Sciences 48 : 657-683
Negrutiu I (2022) A Compass for Resource Justice and Planetary Health : Food Systems and Global Pollution. Resources, Conservation & Recycling, 181, 106229. https://doi.org/ 26
Serres Michel (2012) De l’inventaire des ressources au souci des choses. Les ressources. USE Press.
6 octobre 2022