L’ONU veut rentrer au capital des écosystèmes

Le 5 mars 2021, la Commission de Statistiques de l’ONU a annoncé officiellement l’adoption du standard statistique international “Système de comptabilité environnement-économie - Comptabilité des écosystèmes” (SCEE CE)

We are very pleased to announce that the United Nations Statistical Commission has adopted chapters 1-7 of the System of Environmental-Economic Accounting—Ecosystem Accounting (SEEA EA) as an international statistical standard. In the same document, chapters 8-11 present internationally recognized statistical principles and recommendations for valuation of ecosystem services and assets.

The SEEA Ecosystem Accounting has been a truly collaborative effort and we are grateful for the contributions everyone has made to the final product. Indeed, our efforts have not gone unnoticed by the Commission or the user community. There has been heavy interest in and media coverage of the SEEA EA. The links below show some of the recent global media coverage/products.

  • UN press release 2 - 10 March 2021
  • UN press release 1 - 2 March 2021
  • An article and a short video on the SEEA EA
  • UN noon briefing with the Chief Economist of the UN, Mr. Elliott Harris, as a special guest (2 March, when the SEEA EA was discussed at the UN Statistical Commission)
  • An interview, again with the UN Chief Economist
  • News Article from the European Commission, DG for Environment
  • Twitter campaign #MakeNatureCount

Le document SEEA-EA (en anglais) adopté par la Commission de Statistiques de l’ONU est dispo-nible ici : https://seea.un.org/ecosystem-accounting

Interview spontanée
avec Jean-Louis Weber, notre expert CapNat (mais pas seulement) des comptes écosystémiques, dont il est le fondateur et porteur infatigable.

IN – Quels sont les éléments qui concourent à ce résultat ?

JLW - L’ONU vient d’annoncer que le SEEA-Ecosystem Accounts a été adopté comme standard statistique international par la Commission de Statistiques (UNSD) le 5 mars dernier. Il a été annoncé en parallèle que la rédaction d’un guide technique allait être entreprise. Le précédent guide technique publié par UNSD faisait des références très positives à la CECN (Comptes Écosystémiques du Capital Naturel) pour les comptes biophysiques. Je ne sais pas ce qu’il va en être du prochain guide technique, mais le cadre général du SEEA EA n’étant pas fondamentalement différent de sa version provisoire, le manuel CECN-TDR (que j’ai rédigé en 2014 pour la CDB) demeure un guide pratique très complet pour la mise en œuvre des comptes bio-physiques. Donc, l’officialisation du SEEA-E est une très bonne nouvelle et devrait stimuler les progrès de la comptabilité écosystémique.

IN – Justement, comment avancent les travaux sur les comptes du capital écosystémique sur le terrain ?

JLW - L’expérience acquise ces années dans divers projet CECN a permis de clarifier une grand nombre de points particuliers et d’écrire des scripts pour automatiser une partie de la production. Aussi, le tutoriel CECN-Kangaré, actuellement utilisé pour la formation de comptables dans le cadre du projet COPERNICEA (OSS et AFD) pour six pays de la région Sahara-Sahel, a été testé à plusieurs reprises et constitue un outil de formation robuste.

J’ai fait la semaine dernière une présentation de la comptabilité écosystémique lors de la conférence inaugurale d’un forum Capital Naturel à Madagascar organisé par le Ministère de l’environnement avec le WWF, l’USAID et l’AFD. Cette introduction avait été précédée la veille par d’une formation CECN organisée par l’Université d’Antananarivo et a été suivie lors du Forum par la présentation de trois applications CECN portant sur trois « Nouvelles aires protégées » à Madagascar, sur quatre pays du Plateau des Guyanes et sur le Gabon. Les choses avancent.

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IN - Cela fait quand même un long combat ?

JLW - Les choses avancent bien, même si tout est loin d’être évident. Il est important de noter que le terme standard statistique ne s’applique qu’aux chapitres de comptabilité biophysique, les chapitres sur la valorisation monétaire ayant été renvoyés diplomatiquement à un « agenda de recherche ». Une partie des problèmes tient au dogmatisme des tenants des « paiements des services écosystémiques » (PES) et du calcul de la valeur inclusive de la richesse en monnaie. Puisque c’est le total inclusif des capitaux (inclusive wealth) qui compte, cette approche faussement réaliste accepte en fait que le capital écosystémique monétisé puisse être remplacé par un autre type de capital, humain ou tout simplement économique. C’est une approche de soutenabilité faible fondée sur la valeur utilitaire de la nature, qui se distingue de l’approche de soutenabilité forte qui postule l’existence d’un capital écosystémique critique dont la valeur écologique doit être conservée car on a atteint les limites de la Planète. Hormis quelques études coûts bénéfices, l’approche par les PES n’a pas démontré son efficacité pour traiter de grands problèmes comme la protection de la forêt du Congo, ou de l’Amazonie. En réalité, si on compare la valeur nette actualisée des services écosystémiques d’une aire protégée à celle du gisement de nickel ou d’or qui est en dessous, cela ne va pas faire le compte. Le programme Wealth Assessment and Valuation of Ecosystem Services (WAVES) de la Banque Mondiale et le récent rapport Dasgupta publié au Royaume-Uni dont explicitement fondés sur le calcul des bénéfices monétaires et la valeur financière du capital naturel. À l’inverse la CECN propose dans un premier temps une comptabilité en unités biophysiques permettant le calcul de la valeur écologique et de leur dégradation, ce qui permet ensuite de calculer les coûts de maintenance du capital écosystémique actuellement non payés et donc de l’amortissement du capital naturel écosystémique qui devrait être inscrit dans les plans comptables des organisations et dans la comptabilité nationale.

On peut regretter que la question des coûts de restauration soit expédiée en deux pages de la partie « valorisation monétaire » du nouveau SEEA-EA qui est un document de l’ONU que l’on aurait pu espérer moins unilatéral. Mais n’oublions pas qu’en raison de l’opposition de plusieurs pays européens et des comptables nationaux états-uniens, les chapitres sur les comptes des écosystèmes en monnaie n’ont pas été approuvés comme « standard statistique international » et restent un agenda de recherche. L’adoption par la Commission de statistique de l’ONU des comptes en termes biophysiques est donc un progrès important de la comptabilité écosystémique.

Information supplémentaire

En lien avec ci-dessus, on peut se poser la question : donner un prix aux lémuriens (ou tout autre organisme vivant), c’est pour les vendre - sinon pourquoi ?

  • Noter le Post-2020 Biodiversity Framework
    https://4post2020bd.net/agri-food-systems-webinar/
  • On 13 April 2021, Post-2020 Biodiversity Framework - EU Support project will host a webinar, under the patronage of the co-Chairs of the Convention on Biological Diversity (CBD) Open-Ended Working Group on the Post-2020 Global Biodiversity Framework, to explore pathways for convergence between the agri-food systems and biodiversity agendas, in light of CBD COP15 and the UN Food Systems Summit.

Jean-Louis Weber et Ioan Negrutiu
Lyon, 22 mars 2021

Article publié ou modifié le

22 mars 2021