Et maintenant ?
Effet Hulot, mais pas seulement, et la « fête » des 10 ans après la crise de 2008 : la liste des initiatives et des réactions utiles et intelligentes s’allonge chaque jour pour dire le caractère non-soutenable et insoutenable du capitalisme ambiant. Capitalisme qui a réussi la prouesse d’une marchandisation sans précédent de la nature ayant travesti les causes socio-économiques structurelles des inégalités environnementales dans une œuvre d’adaptation au changement climatique portée par le marché [1]. Wall Street organise la nature, une nature « low cost ». Intenable. D’où la nécessité de penser le long terme en terme d’accès équitable aux ressources et de donner du sens à l’intérêt général. Quelques exemples :
- L’appel des 700 scientifiques français devant l’urgence climatique, pour rajouter une couche après la deuxième alerte signée par 1500 scientifiques du monde entier en début d’année [2]. Avec huit recommandations, allant des énergies fossiles à la transformation de l’agriculture et la protection des sols, le trafic aérien, la rénovation de l’habitat, la réorientation de l’aide sur le climat, repenser le système financier, éliminer les frigorigènes.
- L’initiative « libérer l’investissement vert », car c’est encore mieux de le dire une deuxième fois [3].
- « Faut-il avoir peur de la finance ? », un dossier Alternatives Economiques pédagogique qui jauge les cadres réglementaires des banques et des marchés et bien d’autres aspects [4].
- La conférence post-croissance au Parlement européen à Bruxelles (18-19 septembre 2018), faisant suite à un texte publié par The Guardian et signé par 200 membres de la communauté universitaire [5]. Le texte insiste sur l’urgence à transformer le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) dans un pacte répondant aux besoins fondamentaux des citoyens par une mise en adéquation de ces besoins avec l’accès équitable aux ressources disponibles et leur usage sobre avec un recyclage efficace et généralisé.
- Proposition de Bruno Latour et Timothy Lenton dans la revue Science d’une remise à niveau du concept système Terre (de Gaïa 1.0 à Gaïa 2.0), avec une analyse pertinente de Sylvestre Huet sur les insuffisances intrinsèques et opérationnelles de cette démarche faisant des hommes les gestionnaires conscients (donc responsables) de l’habitabilité de la planète [6].
- La constitution de l’association « Casa Comun da Humanidade » le 24 septembre 2018 à l’Université de Porto, en partant du constat que l’habitabilité de la terre demande de repenser le cadre juridique global pour assurer une gestion en condominium des communs [7].
- L’exception agricole et écologique, portée par une démocratie alimentaire qui vise la santé commune - des personnes, des sociétés et des écosystèmes, que nous avons initié depuis 2017 [8].
Sur le terrain, « Fermes d’avenir » [9] continue à faire progresser projets et formation de bio-agriculteurs, tandis que dans la Drôme, le territoire Biovallée explore des voies inédites : fin août-début septembre s’est déroulé un diagnostique croisé du territoire Haut Diois par des scientifiques français et des chamans Kogis de la Sierre de Santa Marta, Colombie [10]. Une restitution est prévue fin novembre à l’ENS de Lyon.
Comment écrire la suite avec autant de munitions différemment calibrées pour imaginer une (des) « narrative(s) » permettant de percevoir la nature future des valeurs et des richesses humaines ? La lecture de l’article « Political economy, Mr Churchill, and natural resources » [11] peut éclairer le pourquoi de la nécessité de rédiger un protocole simple (à l’opposé des complexes préconisations des Objectifs de développement durable, ODD) ayant force de contractualisation et tout en laissant la liberté des choix d’action dans la diversité des situations dans le monde [12]. C’est ce que nous allons faire en partant du Contrat Naturel de Michel Serres.
Source de l’image : Kogis - Courtesy Alan Ereira
Ioan Negrutiu, 24 septembre 2018
24 septembre 2018