François Collart Dutilleul : Le programme Lascaux : penser l’ajustement des ressources naturelles et des besoins sociaux

Cours du 4 juin 2015

Intervenant : François Collart Dutilleul, professeur émérite à l’ Université de Nantes, Directeur du programme Lascaux.
http://www.univ-nantes.fr/collart-dutilleul-f

Le rôle du droit et les ressources, notamment alimentaires.

Négliger le droit, c’est accepter la loi des autres ou celle du plus fort. Le droit devrait toujours parler plus fort que l’éthique. Le droit devrait toujours parler avant le marché. Le droit devrait toujours parler après et avec la science.
Analyse du contexte actuel.
Les éléments analysés sont : Libre-échange, Globalisation, Insécurité alimentaire, Oligopoles,
Financiarisation, Marchandisation de la nature, Surexploitation des ressources.
Par exemple, comment concilier le libre-échange avec le maintien de la biodiversité, la coexistence de différents types d’agriculture, des pratiques soutenables ? De quelle marge de souveraineté peuvent disposer les collectivités territoriales pour des politiques publiques d’ajustement des ressources et des besoins ? Mais aussi comment intégrer les droits des peuples indigènes, la relocalisation de la production et du commerce, la valorisation des territoires et la diversification des modèles d’agriculture...) ?
Concernant l’insécurité alimentaire, les questions juridiques majeures sont :

  • l’insécurité foncière des paysans du sud : accès à la terre et à l’eau (droit foncier, droit des investissements internationaux, droit de l’eau, droit de l’agriculture...)
  • l’accroissement de la place des monopoles semenciers : accès aux variétés et aux semences (propriété intellectuelle, droit de l’environnement)
  • les déséquilibres des conditions d’accès aux marchés entre le Nord et le Sud (droit de l’OMC, droit de la distribution, droit de la concurrence, droit des signes de qualité...)
  • l’élargissement des écarts de richesse et des moyens de subsistance : accès aux aliments (lutte contre la pauvreté, droit à l’alimentation, droit de la consommation...).

Pour la financiarisation de l’économie et la puissance des oligopoles, le droit est mobilisé pour canaliser les risques socio-économiques de la spéculation, clarifier le rôle des investisseurs, les dérives de la personnalité morale, la responsabilité limitée des personnes morales, la perte de souveraineté des Etats face aux oligopoles et surtout le pouvoir économique sur les besoins humains fondamentaux.
Concernant la marchandisation du vivant, l’accent est à mettre sur l’accaparement international des ressources naturelles (terres, eau, forêts, richesses du sous-sol) et l’appropriation internationale de la biodiversité naturelle (UPOV, brevets...)
L’analyse du contexte actuel pose un redoutable défi juridique : comment penser les transitions socio-écologiques qui permettent de passer de la
situation non durable actuelle à une organisation assurant aux êtres humains une place soutenable dans une nature préservée,
comment imaginer un nouvel ordre permettant de conjuguer respect de la nature et bien-être humain ?
Les instruments et les leviers organisés du droit doivent être investis dans un processus progressif et volontariste de transformations sociales dans des contextes économiques pluriels. Les mots-clé de ces transitions sont étapes et leviers à l’aide des savoirs réunis du droit de l’environnement, de l’économie, du droit social et constitutionnel. Des exemples sont analysés : politique publique de défrichage des terres agricoles par Nantes Métropole pour la remise en culture des terres
et l’association des femmes de Nueva Esperanza (Costa Rica).
Les priorités de recherche actuellement :

  • La reconnaissance internationale d’une "exception alimentaire" sur le modèle de "l’exception culturelle"
  • Mettre le commerce international des produits agricoles au service de la sécurité alimentaire avec un retour à la Charte de La Havane de 1948
  • Rééquilibrer les contrats internationaux d’investissement dans la terre agricole des pays en développement.
Article publié ou modifié le

6 février 2017