Philippe Billet : The soil ecosystem and land use : economic, political and legal issues

Cours du 2 juin 2015

Intervenant : Philippe Billet, IDE Lyon

Philippe Billet : professeur de droit public (université Jean Moulin-Lyon 3), directeur de l’institut de droit de l’environnement (EDPL-EA 666)
Comité pour l’économie verte, Anime le groupe de travail sur la fiscalité des sols, comité scientifique français sur la désertification (assiste les scientifiques sur les aspects nationaux internationaux de l‘érosion des sols), gestion environnementale des sols (GSol) avec l’ADEME
⚠️ <html>http://facdedroit.univ-lyon3.fr/institut-de-droit-de-l-environnement-616435.kjsp?RH=1474272551772</html>

Qu’est-ce que le sol pour un juriste ? Comment le protège-t-on ?

Le sol n’est en droit pas reconnu comme un milieu à part entière, au contraire de l’eau et de l’air. Pourtant, il est un élément fondateur du droit, qui tente d’évoluer avec la prise de conscience de sa valeur. De nouveaux outils juridiques se mettent en place pour le protéger.

Le sol, en tant que surface entre le « dessus » et le « dessous », est un élément fondateur de l’État (défini notamment par son territoire) et de la société civile (mise en place de règles de propriété). La propriété est présumée concerner l’ensemble au-dessus et au-dessous du sol. Ces niveaux peuvent être dissociés (expropriation pour la construction d’un métro, balcon…).
Cependant, le sol dans le droit progresse de simple surface à une entité limitée à économiser et recycler tant quantitativement –limiter les constructions– que qualitativement –préserver la fonction du sol aménagé. L’économie de terrain nécessite une évaluation environnementale pour éviter, réduire et compenser (ERC) les dommages au sol. La compensation est obligatoire : elle consiste à protéger pendant une durée de 30 ans un autre espace de terrain pour lui donner la même fonctionnalité que celui que l’on dégrade. Les problèmes majeurs sont la définition des équivalences entre écosystèmes et la gestion financière des compensations. La qualité du sol est préservée par l’incitation au contrôle des intrants agricoles (subventions de la Politique Agricole Commune si le sol est géré de manière à préserver ses fonctions). La réparation du sol est problématique tant au niveau scientifique qu’au niveau juridique. La principale difficulté est l’identification du responsable de la pollution (pollueur, potentiellement insolvable ? propriétaire du terrain ?). La responsabilité environnementale est un nouvel outil juridique qui prône la réparation du sol au nom des services écosystémiques qu’il fournit. C’est une mesure de police à obligation de résultat (sol totalement réhabilité), de ce fait plutôt dissuasive de pollution. Son application est cependant encore limitée aux sols dont la dégradation engendre des atteintes graves à la santé.
Pourtant, malgré ces avancées, le droit lié au sol stagne : le sol sera toujours nécessaire aux constructions. Des lois tentent de limiter l’utilisation du sol (loi SRU : pas de constructions en périphérie, loi ALLURE : les collectivités doivent faire un suivi de l’utilisation des sols). Un « marché du sol » est créé de manière expérimentale dans certains Länder allemands en le rendant rare, donc cher : il devient donc plus rentable de recycler un sol pollué. Afin de protéger collectivement le sol au titre de certaines de ses fonctions (risques naturels, filtration…), des associations de propriétaires peuvent se former pour contraindre les réticents à prendre des mesures au profit de l’intérêt commun.
Enfin, le sol est nouvellement considéré pour ses services écosystémiques. Il s’agit de donner de la valeur à quelque chose qui n’en a pas a priori. Mais à qui appartient le service ? Peut-on le louer ou le vendre indépendamment du support ? L’élément de structure (sol) peut être dissocié de l’élément de service (filtration). La protection des services peut être envisagée sous la contrainte (peu efficace), par une rémunération du service ou par une nationalisation du service. La Politique Agricole Commune permet depuis peu de reconnaître les agriculteurs comme des « prestataires de service ».

Finalement, le sol mérite d’être considéré comme un milieu à part entière dans le droit, de manière à mieux le protéger tant au niveau de sa disponibilité qu’au niveau des services qu’il rend. Le concept de services écosystémiques, juridiquement encore problématique, permet d’avoir cet autre regard sur le sol.

par Louise Barberis

Article publié ou modifié le

6 février 2017