Simon Klein : Apiculture, bees evo and the Pollinator Crisis

Cours du 28 mai 2015

Intervenant : Simon Klein , doctorant au Centre de Recherche en Cognition Animale, Toulouse, FR & Macquarie University, Sydney, AU.
⚠️ <html>http://cognition.ups-tlse.fr/spip.php?article128&lang=en</html>

Apiculture, bees and the Pollinator Crisis (colony collapse disorder, CCD)
Contexte :

L’importance des services écosystémiques et l’estimation monétaire du service de pollinisation, qui permet la production estimée de près d’un tiers des aliments d’origine végétale des êtres humains ont été évoqués dans le cours de Jean-Pascal Bassino. Les abeilles domestiques (Apis mellifera principalement, A.cerana dans le sud est asiatique) représentent la figure de proue de ce service, mais cachent une bien plus importante diversité de pollinisateurs. A titre d’exemple, on estime la super famille des Apoidea (contenant le genre Apis) riche de 16 000 espèces. Cette diversité spécifique masque une diversité écologique, avec un large spectre de spécificité d’interaction plante/pollinisateur, de sociabilité, de résilience, de sensibilité aux pollutions... L’observation des abeilles domestiques, animal d’élevage sur lequel un grand nombre de données sont disponibles, permet d’obtenir une idée de l’état de cette biodiversité, malgré une résilience plus forte par rapport aux pollinisateurs sauvages.

Syndrome d’effondrement des colonies : depuis les années 2000, chercheurs et apiculteurs constatent un effondrement des abeilles domestiques, quantitatif (nombre de colonies) comme qualitatif (baisse de productivité, traitement vétérinaire plus souvent nécessaire). Parmi les désordre observé, le syndrome d’effondrement des colonies (SEC) ou colony collapse disorder (CCD) est emblématique. Il s’agit d’un phénomène de disparition des essaims : de nombreuses abeilles adultes sont retrouvées mortes devant la ruche qui contient cependant parfois de réserves. Les abeilles sont absentes : la colonie est morte. Plusieurs explications sont avancées pour éclaircir le phénomène, responsable de la disparition de 45 % du cheptel apicole des états où il était présent aux Etats Unis en 2006-2007.

Facteurs biologiques :

Varroa destructor : cet acarien est maintenant omniprésent dans le monde sur A. mellifera, à l’exception de quelques îles (comme l’Australie). Accomplissant son cycle de développement dans le couvain, l’adulte se fixe sur l’abeille et se nourrit de son hémolymphe. Responsable de mort du couvain, d’affaiblissement des essaims, de déformations des abeilles, de transmission de maladies infectieuses (IAPV, syndrome des petites ailes).

Vespa velutina : le frelon asiatique est une préoccupation française. Importé à Bordeaux, son aire de répartition ne cesse de s’étendre. Il nourrit ses larves d’abeilles récoltées sur la planche d’envol. A. mellifera n’a pas développé de mécanisme de défense à l’instar d’A. Cerana.

Nosema cerana : microspore infectieux, ce microorganisme s’attaque au système immunitaire des abeilles et parasite des cheptels entiers, affaiblissant les colonies.

IAPV : israeli acute paralysis virus, responsable de l’affaiblissement de certains individus, parfois de la mort des colonies. Comme d’autres maladies infectieuses de l’abeille, il se répand d’autant plus rapidement que le varroa est présent.

Facteurs humains :

Insecticides : le moratoire sur les néonicotinoïdes et les controverses qui l’ont accompagné sont un exemple récent de la complexité de la défense de la biodiversité des pollinisateurs. S’y mêlent lobbying, efficacité agricole et difficultés d’évolution des mentalités. Toujours est-il que si ces insecticides sont utilisés en doses sublétales pour les abeilles, ils ne sont pas sans effet, notamment sur leurs capacités d’orientation dans l’espace, faisant de cette classe d’insecticides un bon candidat pour expliquer le SEC. Notons l’importance des mauvaise pratiques agricoles (traitement de jour, lorsque les insectes sont sortis).

Mauvaises pratiques apicoles : transhumances massives, exploitation irraisonnée des colonies, ‘gavage’ des colonies avec des regimes hyperproteines ou des sirops de mais de piètre qualité, utilisation des abeilles à des fins de pollinisation uniquement, sursélection de comportements productifs au détriment de comportements hygiéniques sont autant de pratiques fragilisant les colonies domestiques. L’apiculture intensive aux Etats-Unis, la pollinisation des amandiers en particulier, en sont les images d’Epinal. La lutte contre le varroa est aussi une cause d’exposition aux pesticides, qui peuvent être aussi dangereux pour les abeilles (notamment les miticides).

Agriculture intensive : les pratiques agricoles modernes réduise dans le temps et de manière qualitative, les sources de pollen pour les abeilles, cela entraine des carences en pollen qui sont en cause dans des perturbations comportementales et des affaiblissements des colonies. En plus des problèmes liés à l’utilisation de pesticides systématiques évoquées plus haut, les abeilles sont aussi exposées aux pollutions industrielles telle qu’en témoigne la présence de métaux lourds en quantité souvent létales dans les ruches.

Facteurs biologiques :

Les facteurs biologiques détaillés dans le paragraphe précédents ne sauraient être compris indépendamment de facteurs humains, et notamment des effets de la mondialisation. L’exemple est criant pour le frelon asiatique, importé avec des poteries chinoises, mais vaut également pour le V. destructor, issu de la rencontre entre A. mellifera introduite en Asie par l’être humain et un parasite inoffensif chez A. cerana. De plus, sa diffusion rapide à l’international, accompagnée de la diffusion de différents agents infectieux tels que l’IAPV ne peut se comprendre indépendamment des mouvements d’import et d’export d’abeilles rendus possibles par la globalisation et de la réduction du patrimoine génétique des abeilles par la sélection.

Conclusion :

L’influence de l’être humain sur le service de pollinisation est peu sujet à discussion. Il convient de garder en tête que l’évaluation de cet impact est basée essentiellement sur des données issues de l’abeille domestique, eusociale, généraliste et aidée par l’apiculteur, ce qui la rend plus résiliente que l’immense majorité de ses consorts. Nous pourrions donc largement sous estimer le phénomène de déclin de ce service écosystémique. Cependant, si le problème est sociologiquement et politiquement complexe, cela signifie que nous avons en main toutes les clefs pour enrayer ce déclin.

Par Gabriel Gonella

Article publié ou modifié le

6 février 2017