L’accès à la Nourriture, un droit, une ressource et un bien premier

Le cadrage 2014 démographie, sols, alimentation, santé

L’Institut Michel Serres pour les ressources et les biens publics fait le point, après les questions démographiques, de la terre et des sols (v. les News de la semaine passée), sur la faim et l’alimentation. La nourriture, comme ressource et bien premiers.

Pendant que les agendas politiques se préparent pour rediscuter du climat ( Paris 2015, COOP21 ), l’Institut pose la question des priorités et des urgences socio-écosystémiques, incontournables pour apporter des solutions cohérentes et crédibles y compris au défi climatique.

Deux interviews publiées récemment dans Libération d’Olivier Assouly et de François Collart Dutilleul, questionnent l’incapacité politique d’apporter des réponses acceptables concernant l’accès à la nourriture pour de (trop) nombreux humains.

Pour contraindre, la faim est plus efficace que la loi

Olivier Assouly ([interviewé par Jacky Durand, pour Libération du 14 février 2014), est professeur de philosophie à l’Institut français de la mode à Paris ; il s’intéresse « aux normes religieuses, idéologiques, politiques et marchands liées à la nourriture ».

Dans l’Organisation criminelle de la faim (Actes sud, 2013), il explique que l’instrumentalisation de la faim a toujours servi les desseins militaires et économiques, car « pour contraindre, la faim est plus efficace que la loi  ».

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Les chiffres restent choquants : 1,2 milliard d’humains sont victimes de la faim, « un assassinat sans arme ». Comment appeler la mort étalée, diluée dans le temps, lorsque les affamés n’ont « d’autre choix que de manger tout ce qui est mangeable  » ? Pour rationaliser le coût de la force de travail, l’économie dominante pense «  les nourritures de manière purement alimentaire, technique et comptable ».

L’agriculture ultraproductive, l’accaparement des terres, la spéculation sur les matières premières agricoles, les règles du commerce international sont aujourd’hui autant de leviers de cette situation.

L’alimentation devrait être un droit de l’homme plein

François Collart Dutilleul (inteviewé par Catherine Calvet et Béatrice Vallaeys, Libération du 21 mars 2014), professeur de droit à l’Université de Nantes, dirige le programme LASCAUX sur la sécurité alimentaire et le re-justement des ressources, programme associé à l’Institut Michel Serres.

Pour lui, « nourrir les gens n’est pas seulement leur sauver la vie, c’est aussi sauver l’humanité  ».
Le droit à l’alimentation en tant que droit de l’homme, nous n’en sommes pas encore là. Aujourd’hui, il est en concurrence avec le droit à la propriété.
Or, ce dernier est un droit plein, tandis que « le droit à l’eau et le droit à l’alimentation sont vides ». La route est longue, car les travaux de l’équipe LASCAUX font appel à « l’exception alimentaire » en référence à l’exception culturelle (« ce qui vaut pour la vie de l’esprit doit bien valoir aussi pour la vie du corps ») pour imaginer ensuite « la souveraineté alimentaire » et « la démocratie alimentaire » (et donc une citoyenneté alimentaire mondiale).
La souveraineté alimentaire « consiste à redonner une marge de manœuvre aux Etats face aux règles de l’OMC. C’est bien mais insuffisant. Car cela suppose un Etat raisonnable".
Il faut pousser la souveraineté jusqu’aux besoins réels des populations, ne pas s’arrêter aux Etats qui, on le voit, sont rarement raisonnables ». Cela revient en réalité à penser une adéquation et une articulation plus larges, entre populations et ressources. Ceci signifie qu’il faut penser « une loi d’ajustement des ressources naturelles et des besoins sociaux, ne serait-ce qu’en complément de la loi de l’ajustement de l’offre et de la demande ».

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A son tour, le Rapporteur Spécial des Nations Unies pour la sécurité alimentaire, Olivier De Schutter, constate dans ses travaux à l’Université catholique de Louvain que la nourriture, de ressource locale, est devenue marchandise trans-nationale et propose de la démarchandiser.

Lire à ce sujet, le rapport de Jose Luis Vivero Pol : Food as a commons : Reframing the narrative of the food system.

Par ailleurs nous avons le plaisir de vous annoncer que Mr Olivier De Schutter, en sa qualité de Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation a soumis le 24 janvier 2014 lors de l’Assemblée Générale du Conseil des Droits de l’Homme aux Nations Unies son Rapport Final intitulé : Le droit à l’alimentation, facteur de changement.

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Pour conclure cette analyse nous ajouterons que : quelque soient les agendas, crises, controverses ou conflits aujourd’hui, la production, l’accès et le ré-ajustement des ressources naturelles restent le premier point d’achoppement et un passage obligé dans la recherche de solutions politiques pour l’essentiel des défis globaux.

Article publié ou modifié le

27 mars 2014